Ahmed Bentriki (en arabe : أحمد بن التريكي), parfois nommé Ben Zengli, né en 1650, à Tlemcen, et mort vers 1750, à Oujda, est un poète algérien. Il est l'un des plus grands auteurs du hawzi.
Ahmed Ben Triki naît à Tlemcen, dans la régence d'Alger, en 1650, d'un père d'origine turque et d'une mère arabe[1],[2]. Il appartient donc au groupe des Kouloughlis[3] (métisses) qui étaient nombreux à Tlemcen. Il est surnommé Ben Zengli, en référence au caractère rude et violent de son père et dont il aurait hérité, une autre explication: le surnom proviendrait du mot turc zenguin (signifiant « riche »)[4],[2].
Ahmed commence à écrire de la poésie à un âge précoce et était l'élève du poète Saïd El Mendassi[5]. Ben Triki est banni de la ville de Tlemcen, à la demande de quelques pères de familles kouloughlis dont il décrivait et chantait les filles et les femmes[3]. Il s'exile dans la région des Béni Snassen[6].et y resta jusqu'à sa mort[4]. Nombre de ses poèmes ont été écrits au cours de cette période de l'exil afin d'exprimer la séparation douloureuse de sa patrie[3].
À son retour dans la régence d'Alger[réf. nécessaire], il compose principalement des panégyriques du prophète Mahomet. Néanmoins, son poème Gravé au plus profond de Mon Âme! un poème religieux, a été un qasida (forme poétique originaire de l'Arabie préislamique) innovateur qui a fait l'éloge de la Kaaba à la Mecque ; Ben Triki a transposé les dispositifs soufi ghazal à l'origine appliqué à l'amour de Dieu ou du « bien-Aimé » à la description des caractéristiques physiques d'un lieu.
Ben Triki est un des grands noms de la poésie populaire tlemcenienne, le hawzi[3]. Sa pièce Ya bnet el bahdja, est chantée dans le style aroubi à Alger et Blida[7]
Son œuvre connue comporte vingt-et-un poèmes dont seize poèmes érotiques et quatre poèmes dithyrambiques en l'honneur du Prophète (madh). Certains poèmes et certaines pièces du genre zadjal lui sont attribués, mais n'ont pu être confirmés en raison de leur style faible[4].
Ses poèmes ont mené son contemporain Mohammed Benmsayeb à louer le poète comme « un excellent génie [...], mais ce génie a mal choisi son logis », en référence à ses origines turques[2].
Il est qualifié de « chantre du printemps et de l'amour »[8]. Ces pièces, à l'instar des autres poètes populaire du melhoun notamment Boumédiène Bensehla et Mohammed Benmsayeb, sont une source d'informations sur les mœurs de l'époque, l'état des mentalités et l'évolution de la langue[9].
Il également l'un des auteurs locaux de la sanaa-gharnata de Tlemcen : Hark dhana mouhdjati (« La blessure hante mon âme »), Saraqa al ghousnou qadda mahboubi (« Un surgeon à la taille de ma Bien aîmée »)[10], Aliftou al-bouka, Al djamal fettan[11] et Ya habibi alach djafit[12].
Le début du poème, Ah, dans quel état je suis!, traduit par Souhel Dib[13] :
« Ma torture ne cesse point; la mauvaise fortune me poursuit; l'attente m'anéantit.
Ah, dans quel état je suis!Le tempérament de cette gazelle rend mon mal de moins en moins supportable.
O gens, il ne saurait y avoir chez les plus puissants des seigneurs une femme dont la beauté serait pareille à celle de ce faon.
Je ne peux me séparer de toi, être dont le nom même est plein de charme.
Elle dépasse de loin toutes les belles et m'empêche de garder un esprit clair. Ah, dans quel état je- suis!
Quiconque la rencontre perdra la raison tant sa beauté est unique, sans pareille ni dans les temps passés ni dans ceux à venir.
Ah, dans quel état je suis! Ah, comme ton éloignement m'est cruel, toi au regard d'aiglonne!Tes sourcils sont tracés à l'encre: lignes arquées exécutées par la main d'un maître.
Tes yeux sont langoureux et tes cils ont le teint noir du jais. Roses sont tes joues et ta bouche a la finesse d'une bague.
Le timbre de ta voix se confond avec les chants du rossignol, et cela, je le trouve ravissant.
Ah, dans quel état je suis!
Le rouge de tes lèvres évoque le sang ou le kermès liquide qui remplirait une coupe de cristal.
Ton visage et ton front - blancheur aveuglante - brillent comme la lune au milieu du firmament.
Ah, dans quel état je suis! Réduit à la solitude, j'ai perdu le bonheur de vivre. »