Madeleine Riffaud, née le à Arvillers (Somme), est une résistante, poète, journaliste et correspondante de guerre française.
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Madeleine Riffaud | |
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Naissance | (98 ans) Arvillers (Somme) |
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Nationalité | ![]() |
Profession | journaliste correspondante de guerre poète |
Spécialité | actualités générales & internationales |
Autres activités | résistante |
Récompenses | prix de l’organisation internationale des journalistes avec Wilfred Burchett |
Distinctions honorifiques | Croix de guerre 1939-1945 (1945) Chevalier de la Légion d'honneur (2001) Officier de l'ordre national du Mérite (2008) |
Médias actuels | |
Pays | France |
Fonction principale | Observatrice pour la commission de contrôle des accords de Genève |
Historique | |
Presse écrite | Ce Soir La Vie ouvrière L'Humanité CBS News |
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Née dans le Santerre, cette fille d'instituteurs grandit en Picardie. Elle est encore mineure quand elle s'engage dans la Résistance à Paris en 1942 sous le nom de code Rainer, « ce nom d'homme, de poète et d'Allemand »[1], « Je n'ai jamais détesté les Allemands. Seulement les nazis. »[2], en hommage à Rainer Maria Rilke et participe à plusieurs « coups de main » contre l'occupant nazi. C'est un « formidable coup de pied au cul » administré par un officier allemand alors que des soldats voulaient l'embrasser qui l'a poussée à s'engager[3]. Elle avait alors 18 ans.
Responsable d'un triangle du Front national des étudiants du Quartier latin, elle entre dans les FTP en . Elle obéit au mot d'ordre d'intensifier les actions armées en vue du soulèvement parisien d'août 1944 : le , elle abat en plein jour de deux balles dans la tête un officier de l'armée d'occupation sur le pont de Solférino[4]. Prenant la fuite à vélo, elle est rattrapée et renversée par la voiture du chef de la milice de Versailles. Ce dernier l'emmène au siège de la Gestapo, rue des Saussaies[5]. Elle est torturée par les Allemands, puis par les Français de la Brigade spéciale no 2 de la préfecture de Police. Mais elle garde le silence et est condamnée à mort[4]. Le 5 août, quelques minutes avant d'être fusillée, elle est extraite du groupe car le propriétaire du pistolet l'a reconnue[2].
Internée à Fresnes, pour 10 jours de torture, elle ne parle toujours pas. Promise à la déportation à laquelle elle échappe, le 15 août[2], sauvée par une femme qui la fait sauter du train[1], elle est à nouveau arrêtée et bénéficie finalement d'un échange de prisonniers pour être libérée le [note 1]. Elle reprend alors immédiatement son combat dans la Résistance où elle est affectée à la compagnie Saint-Just avec le grade d'aspirant lieutenant.
Sa nouvelle mission, avec ce jour-là seulement trois résistants sous ses ordres (alors qu'elle en commande trente habituellement), consiste en l'attaque du train arrivant aux Buttes-Chaumont (gare de Ménilmontant) qui aurait pu prendre à revers les résistants, engagés dans les batailles parisiennes[5]. Lorsqu'ils arrivent sur place, le train est déjà présent et ils prennent les caisses d'explosifs qui n'avaient pas encore été utilisées pour les combats de rue. Installés de part et d'autre de la voie, ils envoient l'ensemble d'un coup et lancent des fumigènes et des feux d'artifice dans le tunnel où le train se retranche. La garnison se rend ; Madeleine Riffaud contribue donc à la capture de quatre vingts soldats de la Wehrmacht et récupère les fusils et munitions destinés aux Allemands[5]. L'attaque se déroule le , Madeleine Riffaud fête alors ses 20 ans. Pour cette action, elle reçoit de l'État-major des FFI son brevet de lieutenant.
L'engagement de Madeleine Riffaud s'arrête à la fin des combats pour la Libération de Paris, l'armée régulière ne l'acceptant pas en tant que femme d'une part, mineure d'autre part[5]. Ce refus la plonge dans une profonde déprime « J'étais perdue et suicidaire. C'est Paul Éluard qui m'a sauvé la vie »[2]. Ses camarades de la compagnie Saint-Just poursuivent la lutte contre les nazis au sein de la brigade Fabien jusqu'à la victoire totale sur le régime hitlérien. Seulement trois ont survécu. Madeleine reçoit alors une citation à l'ordre de l'armée signée du général de Gaulle. Devenue majeure en 1945, elle épouse cette année-là Pierre Daix[6], chef de cabinet du ministre Charles Tillon, qu'elle présente à Picasso dès 1945 mais dont elle se sépare en 1947 puis divorce en 1953.
Elle écrit depuis l'âge de 15 ans, et Paul Éluard publie en 1945 quelques poèmes puis le recueil Le poing fermé. Poétesse, écrivaine, elle devient journaliste puis correspondante de guerre pour rester fidèle à « l'esprit de résistance »[2]. Elle travaille après 1945 pour le quotidien communiste Ce soir, sur la recommandation de Paul Éluard[7]. Sa collègue Andrée Viollis, grand reporter de 76 ans[8], lui présente Hô Chi Minh, en visite officielle en France le pour la conférence de Paix de Fontainebleau[4], avant de partir en reportage en Afrique du Sud et à Madagascar[9].
Elle reçoit ensuite régulièrement jusqu'en 1949, chez elle au 118 rue Truffaut[8], Tran Ngoc Danh, membre de la délégation vietnamienne[8], et rêve d'y partir en reportage[8], désapprouvée par son époux Pierre Daix, qui la trouve « gauchiste »[8]. Elle se déclare fermement « ouvriériste », en couvrant les grèves des mineurs[8], écrit des textes sur l'Indochine en 1948 et milite contre l'emprisonnement de Trân Ngoc Danh, député de la République démocratique du Viêtnam[8].
L'un de ses derniers reportages pour Ce soir concerne l'enquête sur la mort le de Marcel Cerdan, célèbre boxeur français, dans un accident aérien[8].
Elle passe de Ce soir, à La Vie ouvrière avant les campagnes de l'Appel de Stockholm du [4], mais cet hebdomadaire publie ses poèmes dès 1946[8]. Dès 1945, Les Lettres françaises publient ses poèmes, récits et nouvelles, et ce jusqu'en 1972. Très proche de Hô Chi Minh et du poète Nguyễn Đình Thi (vi), qu'elle a respectivement rencontrés à Paris et à Berlin en 1945 puis 1951, elle couvre la guerre d'Indochine, épisode relaté dans Les Trois Guerres de Madeleine Riffaud[10]. Elle devient la compagne de Nguyễn Đình Thi, futur ministre de la Culture[8].
Grand reporter pour le journal L'Humanité, elle couvre la guerre d'Algérie à partir de juin 1962. Condamnée à mort par l'OAS, « quel honneur », elle est victime d'un attentat, puis pourchassée par l'OAS pendant 4 jours, sans soins. Elle doit passer ensuite plusieurs mois à l'hôpital[2].
Après sa guérison, elle couvre la guerre du Viêt Nam pendant sept ans, dans le maquis du Vietcong sous les bombardements américains. À son retour, elle se fait embaucher comme aide-soignante dans un hôpital parisien, et raconte le système de santé dans le best-seller Les Linges de la nuit[2].
Elle ne fera publiquement part de son engagement dans la Résistance qu'à partir de 1994, pour les 50 ans de la Libération. Devant son refus jusque-là, Raymond Aubrac le lui demande et elle accepte, pour ne pas laisser tomber dans l'oubli ses « copains » morts dans les luttes qui furent les leurs[11]. Des milliers d'enfants ont reçu sa visite[2].
Après un passage aux urgences à l'hôpital Lariboisière en septembre 2022, elle adresse une lettre ouverte au directeur de l'APHP, déplorant notamment « être restée 24h sur le même brancard, sans rien manger, dans un no man's land » et précisant : « Ma mésaventure, c’est une histoire quotidienne dans l’hôpital en France »[12].