Wace (né peu après 1100 à Jersey – mort entre 1174 et 1183) est un poète normand. L'histoire littéraire l'a retenu pour ses deux œuvres majeures, le Roman de Brut et le Roman de Rou. Le premier de ces deux ouvrages introduit dans la littérature française le thème de la table ronde et la légende du roi Arthur ; le second retrace l'histoire de la Normandie et notamment des attaques vikings.
Naissance |
après 1100 Jersey |
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Décès | entre 1174 et 1183 |
Activité principale |
Clerc lisant |
Langue d’écriture | Normand, roman |
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Genres |
Épopée, Chronique médiévale, Hagiographie |
Œuvres principales
Compléments
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Rien que dans les différentes copies du Roman de Rou, le nom de l'auteur apparaît sous plusieurs formes différentes : Wace (cinq fois), Vace, Vacce, Vaicce (trois fois) et Gace (une fois). Il signe également Guace ou Wistace dans d'autres œuvres.
Wace [was] correspond à la prononciation qui a été en usage dans le domaine normano-picard (et au-delà dans les dialectes d’oïl septentrionaux). Au XIIe siècle, c'est-à-dire à l'époque où vivait l'auteur, la prononciation du w change et passe de [w] à [v], distinguant en cela le normand septentrional du picard, d'où la nouvelle graphie avec V initial. Par contre, dans le domaine du normand méridional et du français central, le [w] est passé à [g] à une époque plus ancienne, ce qui explique la graphie alternative avec G(u) initial[1].
Il n'est pas d’usage, en français, de conserver la prononciation la plus ancienne des noms propres — dans ce cas [was] —, mais la plus récente : on doit par conséquent dire [vas]. En revanche, il est légitime de conserver pour cet auteur du XIIe siècle la graphie traditionnelle et la plus courante : Wace[2].
Cet anthroponyme de type germanique, ancien prénom, se perpétue dans le patronyme normand Vasse, surtout répandu dans le pays de Caux.
Au XVIIIe siècle, Wace a en outre été affublé par erreur du prénom Robert [3] et, au XIXe siècle, on a prétendu qu'il était noble.
Né sur l'île de Jersey, il passe sa jeunesse à Caen, où il est éduqué pour devenir clerc[4]. Plus tard, il continue ses études en Île-de-France[4] (Chartres ou Paris). Il revient ensuite à Caen et se consacre à la littérature[4]. Dans son Roman de Rou, il se dit être clerc lisant. Le rôle désigné par cette locution a généré une importante littérature, son sens exact étant perdu[4]. On suppose toutefois qu'il était un clerc qui se consacrait à la lecture ou qui enseignait[4]. Au début de sa carrière littéraire, Wace écrit des poèmes lyriques, mais aucun n'a survécu[4]. De ces premières années (1130-1150) ne subsistent que trois œuvres hagiographiques[4]. En 1155, Wace achève l'écriture de son Roman de Brut, une chronique en vieux français sur les rois de Bretagne[4].
Dans la troisième partie de son Roman de Rou, Wace mentionne qu'il a reçu, en cadeau du roi Henri II d'Angleterre, une prébende au chapitre de Bayeux, et qu'il est donc chanoine à Bayeux[4]. C'est peut-être une récompense pour son Roman de Brut, ou une incitation à écrire l'histoire du duché[4]. Les documents qui nous sont parvenus montrent qu'il obtient cette prébende entre 1165 et 1169[4]. Toutefois, à la fin de son Roman de Rou, Wace nous dit que son souverain n'est plus aussi généreux avec lui, et que sa subvention lui a été retirée[4].
Wace meurt à une date inconnue. L'événement le plus ancien mentionné dans la première partie du Roman de Rou peut être daté de 1174. Dans la suite, il mentionne Henri le Jeune comme étant vivant, or celui-ci ne meurt qu'en 1183. Wace est donc mort entre 1174 et 1183[4].
Wace raconte ainsi sa vie dans le Roman de Rou (III, 5299-5318) :
« Se l'on demande qui ço dist,
qui ceste estoire en romanz fist,
jo di e dirai que jo sui
Wace de l'isle de Gersui[5],
qui est en mer vers occident,
al fieu de Normendie apent.
En l'isle de Gersui fui nez,
a Chaem fui petiz portez,
illoques fui a letres mis,
pois fui longues en France apris ;
quant jo de France repairai
a Chaem longues conversai,
de romanz faire m'entremis,
mult en escris et mult en fis.
Par Deu aïe e par le rei
- altre fors Deu servir ne dei -
m'en fu donee, Deus li rende,
a Baieues une provende.
rei Henri segont vos di,
nevo Henri, pere Henri. »
Au début de sa carrière littéraire, Wace écrit une série de vies de saints composées en octosyllabes. Trois œuvres sont parvenues jusqu'à nous[4] :
Le Roman de Brut (ou Brut de Bretagne), achevé en 1155, est la plus ancienne chronique existante en vieux français sur les rois de Bretagne, dont la lignée remonte au légendaire Brutus de Bretagne[4]. Cette œuvre est composée de 14 866 vers octosyllabiques[4]. Wace la disait être une traduction, mais c'est en fait bien plus qu'une simple traduction[4]. Elle est basée sur l'une des premières versions de l'Historia regum Britanniae (vers 1138) de Geoffroy de Monmouth, mais contient aussi des éléments provenant de la tradition orale et peut-être d'autres sources écrites[4]. Le Roman de Brut est une œuvre qui inspira bien des auteurs, notamment Chrétien de Troyes[6].
Le Roman de Brut retrace l'histoire des rois bretons à partir d'une putative origine troyenne, en passant par la fondation de l'île de Bretagne par Brutus (Brut), jusqu'à la fin du règne du roi Arthur, avec les invasions saxonnes de la fin du VIIe siècle. C'est dans cette œuvre qu'il est, pour la première fois, fait allusion à la table ronde[4]. Il relie ainsi la chevalerie dont l'origine est guerrière et « française »[7] à certaines traditions insulaires « bretonnes », association d'où naîtront les Chevaliers de la Table Ronde.
Le Roman de Rou, une chronique sur les ducs et le duché de Normandie, est dédiée à Aliénor d'Aquitaine et Henri II d'Angleterre[4]. Il comprend quatre parties distinctes. La première est une chronique de 315 alexandrins, qui retrace l'histoire, chronologiquement inversée, des ducs normands, de Henri II à Rollon[4]. La deuxième, composée de 4425 alexandrins décrit la fondation du duché par Rollon et son histoire jusqu'à 965[4]. La troisième partie est la plus importante. Elle est composée de 11 440 vers octosyllabes et continue la chronologie de l'histoire du duché de 965 à la bataille de Tinchebray en 1106[4]. Les historiens pensent que la dernière partie est en fait un brouillon du poème qui a été abandonné, et n'est absolument pas la fin du poème[4]. Elle est composée de 750 vers octosyllabes.
Pour composer cette œuvre, Wace utilise de nombreuses sources, notamment les travaux de Guillaume de Jumièges, Guillaume de Poitiers, Dudon de Saint-Quentin, Guillaume de Malmesbury et Eadmer[4]. Il utilise aussi beaucoup la tradition orale[4].
Pour la professeur de littérature Jean Blacker, Wace a joué un rôle important dans le développement du français par son usage d'un vocabulaire important et varié[4]. Avant Chrétien de Troyes, il introduit dans le roman la Matière de Bretagne, c'est-à-dire la légende de la table ronde.
Pour Jean Blacker, le roi Henri II d'Angleterre arrêta de subventionner Wace car son Roman de Rou lui déplaisait. La raison est que Wace décida d'écrire l'histoire du duché de Normandie telle qu'il la comprenait, et qu'il n'en fit pas une œuvre à la gloire du roi[8].
La valeur historique du Roman de Rou a longtemps été discutée, et la réputation de chroniqueur de Wace sérieusement écornée. En 2005, une importante étude d'Elisabeth van Houts[9] démontra que les critiques envers Wace n'étaient, pour la plupart, pas fondées. Néanmoins, Wace semble avoir particulièrement souligné les contributions faites par les familles de la région de Bayeux, si bien qu'il faut considérer certains des noms mentionnés avec précaution[10]. Pour C. Warren Hollister, Wace semble aussi avoir pris pour argent comptant les traditions orales des familles anglo-normandes de son époque[11].