Ibn al-Hazm[1] (en arabe : أبو محمد علي بن احمد بن سعيد بن حزم) (/384H à Cordoue - /456H à Montíjar ou Niebla (Taïfa de Séville)) est un poète, historien, juriste, philosophe et théologien musulman[2]. Il approfondit la doctrine zahirite et utilise ses méthodes pour l'ensemble des études coraniques. Il est l'auteur du célèbre Collier de la colombe. Il est instruit dans l'entourage de la dynastie des Omeyyades de Cordoue, dynastie à laquelle il restera toujours fidèle. Il connaîtra de multiples emprisonnements et exils au cours de sa vie.
Naissance | |
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Décès | |
Influencé par |
Ibn Abd el-Barr, Daoud el-Zahiri, Al-Humaydí (en), Al-Dhahabi, Ibn Taymiyya, Ibn Qayyim al-Jawziyya, Muḥammad Ibn-ʿAlī Šaukānī (en) ![]() |
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Descendant de chrétiens convertis à l'islam (depuis deux siècles), Ibn Hazm est le fils d'un haut fonctionnaire de la dynastie omeyyade de Cordoue. Il est d'origine andalouse[3] et il fréquente la cour[4]. Des liens familiaux semblent soulignés avec Muzna, la mère d'Abd al-Rahman III, puisqu'il la nomme de son propre nom, Hazm[5].
Rentré à Cordoue, il s'attache au service d'un autre omeyyade, Abd al-Rahman V dont il devient également vizir. Quand ce dernier tombe, Ibn Hazm est encore une fois envoyé en prison et tout un pan de ce qu'il a écrit est détruit. Une fois libéré, Ibn Hazm se retire de la vie politique et se consacre à l'écriture, mettant ses connaissances encyclopédiques au service de ses convictions politiques et théologiques[6].
Nous avons peu d'informations sur ce qu'il fait à la fin de sa vie. En outre, la transmission de son œuvre a dû subir de nombreux obstacles car bien qu'il fût cité comme auteur prolifique, la trace de ses travaux s'avère moins abondante qu'attendu[7]. Son fils Abu Rafi affirme cependant qu'il a laissé 400 écrits.
Ibn Hazm meurt dans son village de Montíjar.
Ibn Hazm est l'auteur de nombreux poèmes. Sa composition la plus célèbre est Le Collier de la colombe (De l'amour et des amants), traitant de l'amour comme une union des âmes fondée sur le principe de ressemblance[8].
À la suite de son modèle Ibn Dawoud, son traité de morale, Le Collier de la colombe, le situe parmi les représentants majeurs du platonisme en Islam. A. R. Nykl a signalé l'étroite ressemblance qui unit ses théories de l'amour platonique et celle du gai savoir des « fidèles d'amour » et des troubadours[9].
Le Collier de la Colombe a d'abord été traduit par Léon Bercher en 1949[10], puis par Gabriel Martinez-Gros en 1992. Le livre propose une « psychologie amoureuse de bon aloi », selon Malek Chebel, spécialiste de l'amour et de l'érotisme dans le monde arabe. Ce dernier place le Collier de la Colombe à côté du Journal d'un séducteur de Kierkegaard et du roman Le Rouge et le Noir de Stendhal[11].
En logique, il dénonce l'identification abusive de l'induction et de la déduction avec le syllogisme.
Contre les atomistes, il soutient la thèse que la matière est divisible à l'infini[12].
En droit musulman, il se tient à distance des écoles chafite et malikite[réf. nécessaire]. Refusant l'induction canonique, la recherche des causes, l'opinion, la bonne appréciation et la tradition, il prône le « respect total du texte » et « la nécessité d'une méthode rationnelle ». Il nomme cette nouvelle méthode d'interprétation la zahiria, et se rattache au zahirisme, une école littéraliste du IXe siècle fondée par Daoud el-Zahiri.
Le premier traducteur du Collier de la colombe, Léon Bercher, voit dans une phrase de cet ouvrage un indice du zahirisme de l'auteur :
« Le divin Législateur [...] connaît les voies de la vérité [...]. Il connaît tout cela bien mieux que celui qui prétend se gouverner lui-même et croit pouvoir se conduire d'après les déductions de son propre raisonnement[13]. »
Le zahirisme prône le phénoménalisme[Quoi ?] dans l'interprétation du texte sacré. Il s'agit donc de considérer le texte sacré comme un objet contenant toute sa vérité, exactement comme on pourrait étudier une production de la nature. Les prescriptions coraniques doivent être étudiées comme telles, sans chercher à les interpréter ou à les justifier[réf. nécessaire]. Elles sont ce qu'elles sont et cela suffit. Ibn Hazm fustige les juristes et les théologiens qui ont opté pour la subjectivité, source intarissable de déviations. Le Coran doit donc être examiné comme un tout achevé à quoi l'on ne doit rien retrancher ni ajouter. Le texte sacré s'impose alors par son évidence. Il est inutile et néfaste de vouloir le démontrer. Il suffit, en fait, de le montrer. Toute autre position consisterait à se substituer au texte et par la même occasion reviendrait à égaler ou dépasser le prophète de Dieu, prétention absurde et condamnable.
L'opinion d'ibn Hazm sur le caractère inimitable du Coran, affirmé par exemple dans le verset 88 de la sourate XVII[14], est que cette supériorité ne tient pas tant à la qualité littéraire du texte qu'au fait qu'aucun auteur n'ait pu en produire de comparable. Il affirme, avec audace, que l'éloquence du Coran n'est nullement inimitable. Ce qui en fait le caractère miraculeux, c'est justement le fait que personne n'ait pu l'imiter. Il y voit la preuve d'une intervention divine : Dieu a empêché quiconque de produire un texte semblable[15].
Le Traité sur les religions et les écoles de pensée est considéré comme le premier traité d'histoire comparée des religions (dans le monde et en langue arabe). Il y analyse toutes les attitudes possibles face au phénomène religieux, du scepticisme à la foi de l'homme simple.
En 1078, lors de la « dispute de Saragosse », Hugues de Semur, abbé de Cluny et Abû al Walîd al Bâjï, jurisconsulte, acceptent de se rencontrer et de défendre leurs thèses autour d'un essai critique sur les dogmes d'Ibn Hazm[16]. Cette « dispute » (orale) met en lumière le rôle de Cluny dans l'ouverture à l'Islam, qui n'intéresse alors pas les « intellectuels » européens. Dans le même esprit, Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, entreprit de faire traduire non seulement le Coran (par Robert de Ketton) mais aussi des légendes et récits divers sur le Prophète de l'islam et les premiers califes. Il fit aussi traduire l'œuvre de Risalâ de Al-Kindi (œuvre touchant à tous les aspects du savoir, à la cour de Bagdad, avant 820), la Nûr muhammadî et la Doctrina Machumet (recueil des réponses du Prophète à quatre juifs).
L'œuvre d'Ibn Hazm comprend 400 titres environ (beaucoup sont perdus, car brûlés par un gouverneur pour le punir) couvrant la totalité des sciences islamiques.