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Messaour Boulanouar, né le à Sour El Ghozlane (dans la région de Bouira en Algérie), et mort le dans la même ville[1], est un poète algérien de langue française, compagnon d'écriture de ses amis Kateb Yacine et Jean Sénac. Dans la littérature algérienne, il appartient à la génération qui a vécu sous le colonialisme et accompagné la guerre de libération menant à l'indépendance de l'Algérie. Comme Kateb Yacine, il signe ses recueils de son nom, Messaour, puis de son prénom, Boulanouar.

Messaour Boulanouar
Messaour Boulanouar en 1980
Nom de naissance Boulanouar Messaour
Alias
El Kheir
Naissance
Sour El Ghozlane, Algérie
Décès (à 82 ans)
Sour El Ghozlane
Activité principale
Poète
Auteur
Langue d’écriture français
Genres
Poésie

Œuvres principales

La meilleure force, 1963; Et pour sanction la vie. Sous peine de mort. L'alphabet de l'espace, 2008


Biographie


Sour El Ghozlane en 1976
Sour El Ghozlane en 1976

Messaour naît à Sour El-Ghozlane « où (son) père était cafetier depuis l'âge de douze ans ». « Au jour de prime neige dont nous fêtions les papillons folâtres, mon père avait coutume de dire « ce n'est pas de la neige, il neige de la misère », se souviendra-t-il[2]. Il interrompt à 17 ans ses études secondaires pour raisons médicales (tuberculose pulmonaire)[3].

« Éveillé au nationalisme et aux exactions de la puissance coloniale française (massacre de 8 mai 1945) et de ses vaines promesses au lendemain de la Seconde guerre mondiale (élections trafiquées par le gouvernement Naegelen qui se solderont notamment dans la région de Sour El-Ghozlane en 1947, à Dechmia, par la mort de plusieurs Algériens qui les contestaient localement), il passera au militantisme actif », analyse Abdelmadjid Kaouah[4]. En 1956 et 1957 Messaour est emprisonné durant plusieurs mois par le pouvoir colonial dans la « salle 11 »[5] de la prison de Barberousse (Serkadji) d'Alger avec de nombreux autres militants[4]. Libéré il reprend ses activités politiques et exerce divers métiers, cafetier, assureur[6]. « Le poète habitait une petite maison face au rempart et, chaque soir, les jeeps qui effectuaient leur ronde étaient obligées de ralentir dans un virage juste devant la maison où les perquisitions étaient attendues avec une prescience et une angoisse insupportables. Ce n'est que lorsque le ronronnement du moteur s'éloignait que la maison recommençait à respirer. Boulanouar dormait toujours vêtu, attendant une entrée en force - surtout les soirs où quelques compatriotes étaient arrêtés. », rapporte Tahar Djaout qui s'entretient avec Messaour[3].

Après l'indépendance de l'Algérie, Messaour est enseignant puis employé[6] (comme Guillevic fait-il remarquer) à l'Administration de l'enregistrement et du timbre[3] « s'engage dans l'action culturelle et poétique »[4] et ne quitte sa ville natale, où il est familièrement connu sous son surnom « El Kheir » (le Bien), que pour des récitals ou des conférences à Alger[7]. Seule une petite partie de son œuvre abondante s'est trouvée publiée en 1966, 1998, 2003 et 2008.

Messaour Boulanouar meurt le et est enterré le à Sour El-Ghozlane.


L'œuvre


Tahar Djaout, Messaour Boulanouar et M'hamed Aoune dans une exposition de littérature, Sour El-Ghozlane, 1980
Tahar Djaout, Messaour Boulanouar et M'hamed Aoune dans une exposition de littérature, Sour El-Ghozlane, 1980

La meilleure force


En 1963 Messaour Boulanouar publie La Meilleure force, long poème de 183 pages divisé en six parties ou chants, écrit entre 1956 et 1960 :

« J'écris pour que la vie soit respectée par tous
je donne ma lumière à ceux que l'ombre étouffe
ceux qui vaincront la honte et la vermine
j'écris pour l'homme en peine l'homme aveugle
l'homme fermé par la tristesse
l'homme fermé à la splendeur du jour »

écrit-il à la première page de l'ouvrage. Jean Sénac estime en 1967 qu'il constitue « la seule grande épopée de notre “libération”, non seulement nationale, avec ses implications étroites, mais à l'échelle de l'homme universel »[8]. Sénac place ainsi Messaour parmi les aînés de la poésie algérienne de langue, ou de « graphie », française qui, en une « fresque du malheur et de l'espérance tenace », « allait mettre le verbe au service de la libération du territoire » : « À travers les éclairs brisés - gorge mitraillée, renaissante! - de Jean Amrouche, Mohammed Dib, Kateb Yacine, Anna Gréki, Mostefa Lacheraf, Henri Kréa, Nordine Tidafi, Bachir Hadj Ali, Ismaël Aït Djafer, Messaour Boulanouar, Nouredine Abba, Boualem Khalfa, Malek Haddad, Djamal Amrani, c'est tout un peuple qui dénonçait, répertoriait l'horreur, revendiquait et dressait dans la nuit le fanal de ses certitudes »[9]. Messaour lui-même considère que « la poésie française qui naquit au cours de la résistance à l'occupant nazi est celle qui eut le plus d'impact sur les poètes algériens de langue française » de sa génération[10].

Kaddour M'Hamsadji considère semblablement en 1971 que La Meilleure force « est l'un des chants les plus longs (ou même le plus long dans le genre poème) et des plus enracinés dans la conscience nationale que compte notre littérature »[11].

En 1981 Tahar Djaout insiste encore sur l'originalité du livre de ce « poète essentiel » : « Parue en 1963, cette œuvre poétique a peu d'équivalent dans la littérature algérienne. C'est un très long poème de quelque 7000 vers commencé en 1956. L'incarcération de Boulanouar en septembre de cette même année n'a provoqué aucune rupture et aucun réajustement dans le cours du poème qui, terminé en 1960, forme une sorte de cosmogonie de la souffrance et de la revendication en dehors (…) le reflet de l'univers concentrationnaire et de l'horreur quotidienne où tout un peuple vivait. »[12]. Il observera quelques années plus tard que Messaour a par la suite « toujours cheminé dans la plus parfaite solitude »[13].


Autres recueils


Messaour Boulanouar, années 1960
Messaour Boulanouar, années 1960

De 1963 à 1998 Messaour demeure en effet le poète d'un seul livre. La Société Nationale qui a eu le monopole de l'édition en Algérie n'accepte pas en effet de manuscrit de plus de 70 pages[10]. Quelques rares plaquettes publiées à tirage réduit entre 1976 et 1981 manifestent cependant qu'il ne cesse d'écrire[14]. En 1998 et 2003 de nouvelles publications brisent le long silence qui lui a été imposé[15]. En 2008 trois nouveaux recueils de Messaour, Et pour sanction la vie. Sous peine de mort. L'alphabet de l'espace sont édités et rassemblés en un coffret.

Généreuse, complémentairement tenace, avant comme après l'indépendance de l'Algérie, en ses dénonciations et fraternelle en son esprit, le poète demeure, d'un bout à l'autre de son œuvre publiée, fidèle à son espoir d'un homme libéré. « Gonflée comme une cosse »[12], sa parole, à travers la « répétition de mots, de tronçons de vers ou de vers entiers », expressions ou images, en revient fréquemment dans ses poèmes à ses premiers vers, pour se déployer à la façon de chants incantatoires en des rythmes fluides, amples et chaleureux. Caractéristiques de son écriture dès la « cantate » que compose La Meilleure force sont les « variations qui inventent de nouveaux enchaînements », observe Djamel Amrani en 1966[16].

« En premier lieu
des hommes ligotés bâillonnés démolis
des hommes rabougris déformés opprimés
des hommes humiliés
des hommes nus
réduits à rien (...) »[17]

Les thèmes majeurs de la poésie de Messaour Boulanouar apparaissent l'indignation contre l'injustice, la misère et l'exploitation où qu'elles apparaissent, en Algérie sous l'ère coloniale et, au-delà, dans le monde entier des hommes :

« Mon pays est partout où l'homme se redresse
pour dire non au malheur quotidien
pour dire non
aux ruses de la haine
aux chances que la nuit espère
trouver dans notre vie
Mon pays est partout
où l'on refuse de se taire face au crime (...) »[18]

Le poète « semeur de conscience »

« vient remettre en question les causes de la nuit
et les leçons
des endormeurs publics
des faiseurs de morale
des bâtisseurs du vide dans le cœur de l'homme »[19]

Simultanément attentif aux tendres figures du monde, enraciné dans le paysage des Hauts plateaux dont il n'a jamais souhaité s'éloigner, le poète, dans son « inspiration terrienne »[16], s'avoue « coupable », reconnaissant qu'il a pour « complices »

« les racines du jour le vent qui passe
les vagues les oiseaux la sève (…)
la vie des fleurs et des insectes
les pluies
de toutes les saisons anciennes
la neige au grand soleil (…)
la vie de tous les hommes qu'on oublie
de tous les hommes qu'on efface
de leur place sur terre
de tous les hommes qu'on rature
pour l'or l'argent le cuivre le salpêtre
pour le pétrole et le diamant (...) »[18]

Jugements


Arezki Metref, « Messaour Boulanouar, Le poète sur les remparts », dans Afrique-Asie, no 276, .
Arezki Metref, « Retour à Sour », dans Le Soir d'Algérie, .

Citations


Messaour Boulanouar, entretien avec Tahar Djaout, dans Tahar Djaout, « Messaour Boulanouar, Un printemps sur la route », dans Algérie-Actualité, no 797, 22-, p. 26.

Bibliographie


Signature de Messaour Boulanouar
Signature de Messaour Boulanouar

 : source utilisée pour la rédaction de cet article


Recueils et plaquettes



Extraits



Anthologies



Articles



Sur Messaour Boulanouar



Articles


Ouvrages généraux


Notes et références


  1. « Décès du poète algérien Messaour Boulanouar », sur huffpostmaghreb.com,
  2. Tahar Djaout, « Messaour Boulanouar, Un printemps sur la route », dans Algérie-Actualité no 797, Alger, 22-28 janvier 1981, p. 27.
  3. Abdelmadjid Kaouah, « Messaour Boulanouar, La meilleure force ou Je vous écris de Sour El-Ghozlane », dans L'ivrEscQ, no 21, Alger, janvier 2013, p. 11.
  4. Tahar Djaout, « Messaour Boulanouar, Un printemps sur la route », dans Algérie-Actualité no 797, Alger, 22-28 janvier 1981, p. 27
  5. notice dans Messaour Boulanouar, Comme un feu de racines, s.l.e., Éditions de l'Orycte, 1977.
  6. Sous le titre « Messaour Boulanouar, l'écrivain au présent », El Moudjahid du 9 avril 1978, p. 7, rend compte d'une conférence de Messaour sur « La littérature algérienne d'expression française » prononcée le 28 mars à la salle El Mouggar. Dans la jeune histoire de cette littérature le poète distingue « une phase de mimétisme », « une phase de prélude au combat et de conscience de soi » (Mouloud Feraoun), « une phase de combat et d'affirmation de soi » (Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Malek Haddad, Kateb Yacine), « une phase d'interrogation, de refus et de mise en cause ».
  7. Jean Sénac, Poésie de Sour El Ghozlane, couverture portrait par Denis Martinez, Éditions de Orycte, Sigean, 1981.
  8. Jean Sénac, Anthologie de la nouvelle poésie algérienne, Paris, Poésie 1, no 14, Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1971, p. 5.
  9. Tahar Djaout, Messaour Boulanouar, Un printemps sur la route, dans Algérie-Actualité, no 797, Alger, 22-28 janvier 1981, p. 26.
  10. Kaddour M'Hamsadji, « La Meilleure force de Messaour Boulanouar », dans El Moudjahid culturel, Alger, 6 octobre 1971.
  11. Tahar Djaout, Messaour Boulanouar, Un printemps sur la route, dans Algérie-Actualité, no 797, Alger, 22-28 janvier 1981, p. 27.
  12. Tahar Djaout, Les Mots migrateurs, Une anthologie poétique algérienne, Office des Publications Universitaires, Alger, 1984, p. 7
  13. La revue Promesses avait publié « Enseigne-moi » dans son no 18 de novembre 1973, p. 59. La plaquette Sous peine de mort (septembre 1981) indique les titres de recueils inédits (Jamais visage humain, Homme mon frère humain, Le dernier serment, Dites-moi, Juste mémoire, La nuit et la légende) et d'ouvrages en préparation, pour la poésie (Le temps d'aimer, Vu que..., Sour El Ghozlane, Abréviations Terre mienne, Je continue, Les signes du matin, Le cauchemar), le roman (Le grand village, chronique) et l'essai Pour un art socialiste).
  14. Dans un article intitulé « Un poète crie à l'abus de confiance », El Watan du 4 mai 2004 (p. 21) rapporte cependant l'absence de toute réponse, malgré plusieurs démarches, du président de l'Union des écrivains algériens à l'envoi par Messaour de trois nouveaux manuscrits, Comme un feu de racines, Sous peine de mort et Et pour sanction la vie.
  15. Djamel Amrani, « Messaour Boulanouar, un Walt Whitman rural », dans Révolution Université no 3, Alger, septembre-octobre 1966.
  16. Le coup de fouet, 1966
  17. Raisons de dire, 1976
  18. Sous peine de mort, 1981

Voir aussi



Liens internes



Liens externes


Poèmes de Messaour Boulanouar accessibles sur le site de l'Imag:




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